A l'heure du thé, et de l'Histoire...

Nom : Wallin
Prénom : Haaken
Âge : 25 ans
Pouvoir : Contrôle des sentiments
Planète : Terre
Arme : Fusil à répétition manuelle Carl Gustav, calibre 6,5x57, longueur totale 1,24 mètre, longueur canon 73 centimètres, poids 4,210 kilogrammes (nommé Väkterska - Sentinelle en suédois)
Métier : Professeur d'Histoire/Géographie

Description physique :
Haaken est le genre d'homme qui aurait pu faire acteur de cinéma rien qu'avec son physique : grand, aux cheveux blonds-roux étincelants en pagaille, aux yeux verts et fins, et à la carrure assez musclée (mais pas trop, tout de même), il ferait tomber n'importe quelle fille qui passerait par là. Conscient de sa beauté, il en profite pour exiger ce qu'il veut de ses élèves ou de ses collègues, ce qui rate peu souvent...
Question fringues, ses habits se limitent à des pull-overs, des t-shirts, des jeans, des baskets, et TOUJOURS une cravate noire. Ses t-shirts arborent souvent des noms de groupes de rock ou alors la célébrissime "To be or not to be : that is the question".

Mentalité :
Haaken est aussi intelligent que beau et aussi suffisant qu'intelligent. Il se définit lui-même comme "le plus grand et le plus subtil gentleman que l'Angleterre a jamais compté" et ne le nie à aucun moment. Très sûr de lui, il ne se trompe cependant presque jamais dans ses déductions, et flaire les ennuis à des kilomètres. Nonobstant ses capacités, il a un don pour s'attirer des ennuis (ou plutôt, pour les provoquer). Il a souvent des idées quelque peu morbides, et il a tendance à s'imaginer comment les gens et les choses finiront...

Goûts :
Haaken n'aime pas de marques spéciales pour les vêtements, mais son déodorant est à tous les coups un Ushuaia. Il aime les couleurs sombres.
Son type de femme ? Brune, ténébreuse et rebelle. Il déteste les femmes soumises et gentilles (après tout, cela fait longtemps qu'une femme n'a pas été sournoise à son égard...)
Il aime le rock et la pop anglo-saxones, mais ne supporte pas grand-chose d'autre comme musique, à part la musique classique.
Il est passionné par l'Histoire.

Histoire :

- Et tu as des frères ou des sœurs ? demanda-t-elle, refermant son livre sans bruits.
- Mais retourne lire, putain ! répliqua Haaken. J'suis là pour bosser, pas pour te faire la conversation.
- Ben t'es nul, comme bosseur, se moqua Julian. Ça fait trois heures qu'on est à la bibli et t'as écrit que trois lignes !
- Va te faire foutre.
- C'en est étonnant tellement tu parles mal ! le réprimanda la blonde en rattachant ses cheveux d'or.
- Le plus étonnant, c'est que tu parles suédois couramment, la ricaine, répliqua Haaken.
- Je suis pas Américaine, je suis Russe moi, dit-elle simplement en haussant les épaules. Pas vrai Julian ?
- Tu la connais ? s'insurgea le garçon en s'adressant à son ami. Tu connais cette chieuse ?
- Tout le monde la connaît, crétinus, rétorqua Julian avec amusement. N'est-ce pas... Freya ?



- Vous êtes sûr que vous allez bien ? insista Freya, les bras croisés, fronçant les sourcils devant son supérieur.
- Tout va bien, Freya, la rassura Timothée Morteterre avec un soupir, assis dans son grand fauteuil, derrière son bureau,. Il n'est nul besoin de s'énerver pour si peu...
- Si peu ? tonna-t-elle. SI PEU ? Mais pour qui me prenez-vous, Monsieur Morteterre ? Dans quel état croyez-vous que j'étais lorsque j'ai appris que vous vous étiez effondré sur place, après avoir craché du sang ?!
- Écoutez, Freya, c'est une chose parmi d'autre, cela...
- "... peut arriver à tout le monde", allez-vous me dire ? compléta-t-elle avec hargne. Je sais ce qu'il en est. Vous aussi avez contracté le virus Johansson. Ce n'est pas "tout le monde" qui peut être infecté par ce...
- FREYA ! tonna-t-il soudain, coupant la jeune femme dans sa phrase.
Décontenancée, elle se tut, comme pour battre en retraite. Il haussait si peu souvent le ton... Non, en fait, elle ne l'avait jamais vu dire un mot plus haut que l'autre. C'était tellement anormal...
Timothée Morteterre remit ses lunettes sur son nez.
- Freya, répéta-t-il, après avoir repris son calme. Quand vous ai-je autorisé à me contredire de cette façon ? Vous prenez de plus en plus de libertés, en ce moment...
Freya se tint coite. Remarquant cet étrange détail, Timothée Morteterre tourna son regard vers la jeune femme, qui semblait le fixer sans comprendre. Mais comprendre quoi ?
- Vous n'allez vraiment pas bien, Monsieur Morteterre, dit-elle enfin. D'habitude, vous m'auriez répliqué quelque chose comme "Inquiétez-vous pour vôtre propre cœur, il doit être bien plus intéressant que le mien", ou "Arrêtez de froncer vos sourcils : ça me rend malade, et ça vous donne des rides", ou encore "Ne soyez pas stupide, je suis trop jeune pour être materné par une gamine dans vôtre genre"... Je me répète, mais : Vous êtes sûr que vous allez bien ?
L'homme fixa les yeux vert délavé de Freya.

Tu as bien changé, répliqua-t-elle en s'adossant elle aussi au mur, à côté de lui, sans le regarder dans les yeux. Il y a quatorze ans, tu aurais répondu que le cœur des femmes se brise aussi facilement que l'on déchire une feuille de papier... A moins que tu aies révisé ton jugement ? Quel élément a-t-il pu atteindre ton cœur de pierre pour que tu t'affaiblisses autant ?

Les prunelles inquiètes, mais reflétant une fermeté - plus pour elle-même qu'envers les autres -, de cette jeune femme de vingt-quatre ans lui rappelaient terriblement de mauvais souvenirs, qu'il avait à jamais voulu enfouir au fond de sa mémoire, mais qui, hélas, étaient trop important pour être refoulés.

Ne fait pas l'enfant, asséna-t-elle. Quelles sont ces cernes qui entourent tes yeux ? Ce regard épuisé ? Vas-tu oser me rétorquer que tu ne t'es pas fatigué, depuis toutes ces années ? Dès que Freya n'est pas là, tu n'es plus l'ombre de toi-même. Plus même l'ombre de l'adolescent que j'ai connu. A quel point t'es-tu attaché à elle ? A quel point es-tu dépendant d'elle ?

- Tsss, siffla-t-il avec un sourire narquois, détournant sa tête des yeux magnétiques de Freya, les femmes sont toutes les mêmes... Les hommes grandissent, évoluent, et se fatiguent. Malgré tout, comme vous venez de le dire, je ne sucre pas encore mes fraises, et il me faudra encore quelques dizaines d'années pour devenir comme mon père - comme ces vieux aristocrates pétés de fric qui attendent paisiblement, dans leur bureau de cent mètres carré, que la mort ou la jeunesse viennent les faucher...

Tu ne réponds pas ? soupira-t-elle. Dommage. J'espérais plus de répartie de ta part... Sur ce, je vais te laisser.

- Ce n'est pas ce que je sous-entendais, grogna la jeune femme, se refusant d'esquisser un sourire amusé. Et vous n'avez pas besoin d'utiliser des figures de style pour m'impressionner, je disais juste que vôtre réplique manquait de piquant, c'est tout - rah, les littéraires... Hm, sur ce, je vais vous laisser - je crois que quelqu'un attend pour obtenir un rendez-vous.
- Encore ? soupira Timothée Morteterre. Comme si je n'avais que ça à faire...
- Vous voyez, vous êtes fatigué ! triompha Freya en partant vers la porte qui menait à son bureau. Je vous ramène un café ?
- Nous sommes en Angleterre, Freya, répliqua-t-il sans hausser la voix, un thé serait préférable.
Elle claqua la porte. Il était sûr qu'elle avait fait exprès, et qu'elle allait lui ramener du café. Parce, d'après elle, le café, c'était meilleur que le thé. Foutaises...
- Toujours aussi gentil avec notre Freya, hein ? susurra une voix féminine derrière son bureau.
Il ne prit pas le peine de se retourner. Il savait qui était là.
- Mademoiselle Sztojka, la prochaine fois que vous vous introduisez dans mon bureau, évitez de faire autant de bruits : cela gâche toute la surprise. Et puis, ensuite, faites comme tout le monde, frappez à la porte. Ça ne vous tuera pas.
Une jeune femme d'une vingtaine d'année apparut soudainement à côté du bureau de Timothée Morteterre. Ses cheveux roses, mi-longs, et ses yeux jaunes, rendaient cet horripilant personnage extrêmement reconnaissable : Eliza Sztojka, 24 ans, au service de la monarchie constitutionnelle suédoise et fille de l'ambassadeur hongrois en Suède, István Sztojka.
- Hé, vous n'êtes pas mon père, se rengorgea la jeune femme, depuis quand une personne de votre rang peut-elle me parler ainsi ?
- Depuis qu'une "personne de mon rang" est devenue plus importante que vôtre père, je présume, objecta-t-il tranquillement.
- Rah, vous m'énervez, aussi ! piailla-t-elle. On ne peut pas discuter avec vous !
- Je suppose que Monsieur Wallin est en train de négocier avec Freya dans son bureau ? éluda-t-il habilement.
- "A moins qu'ils ne fassent autre chose ?" s'amusa-t-elle. Non, il n'est pas là. C'est Luigi qui est en train de la faire tourner en bourrique...
- A chaque fois que vous venez, il faut que vous embêtiez Freya jusqu'à ce qu'elle vous fiche dehors... soupira Timothée Morteterre. C'est une jeune femme occupée et préoccupée, qu'est-ce qu'il vous faut pour comprendre ça ?
- Nous la connaissons depuis plus longtemps que vous, d'abord, alors on la connaît mieux, ça me semble logique ! On sait très bien qu'elle est torturée, avec sa maladie, ses problèmes familiaux, toute cette charge de travail si jeune, tout ça... Mais bon, on la faisait déjà chier à l'époque, c'est pas aujourd'hui qu'on s'arrêtera, hein !
- Les têtes de mule comme vous, elles peuvent... tenta-t-il de répliquer, avant d'être interrompu par la voix de Freya qui hurlait :
- VA AU DIABLE, ABRUTI !- Qu'est-ce que je disais... soupira Timothée Morteterre. Bon, Eliza, cachez-vous, où elle va vous étriper.
- Com-pris, chantonna la jeune femme, avant de se fondre dans le décor comme elle était apparue.
Freya ouvrit brusquement la porte, les cheveux en désordre comme si elle s'était battue, fulminante.
- Il y a un problème, Freya ? demanda innocemment Timothée Morteterre à la jeune femme.
- Je vais être brève, souffla-t-elle. Un voyage à Stockholm, ça vous tente ?
Un sourire se dessina sur les lèvres de l'homme.
- Eh bien, si vous n'y voyez pas d'objection, je suis tout prêt à sauter dans le premier avion venu... A moins que nos hôtes nous aient apporté un jet privé, je me trompe ?



- Ah, quel plaisir de vous recevoir, Timothée ! s'exclama Anna Wallin en faisant entrer Timothée Morteterre dans le grand hall de la résidence principale des Wallin. Freya n'est pas avec vous ?
- Elle arrive, répondit-il après avoir ôté son manteau. Tout le plaisir est pour moi, Mademoiselle.
- Ne vous fatiguez pas avec le suédois, lui recommanda la suédoise. Je parle bien français, vous savez.
- Sous-entendriez-vous que mon suédois n'est pas égal à vôtre français ? la taquina-t-il avec un sourire
- N-n-n-non, bien sûr que non ! balbutia Anna. Je... Je vais vous conduire à la chambre d'Haaken... Quand Freya sera là, bien sûr.
Un jeune homme d'une vingtaine d'années, aux cheveux bruns mal coiffés et encore en pyjama, fit irruption dans le hall.
- Hé, Anna, où est-ce que t'as mis mon... Putain ! Euh, pardon, Monsieur Morteterre, bonjour !
- Ludvig... Toujours aussi aimable, à ce que je vois, grommela Freya.
Elle venait de pénétrer dans le hall, et ôtait son manteau. Le visage blanchâtre du dénommé Ludvig devint cramoisi à la vue de la jeune femme.
- S-s-s-salut Freya ! bégaya-t-il, comme un gamin devant la fille qu'il aime.
- Hé ho, Ludvig, va t'habiller petit crétin ! s'exclama Anna. T'es le seul à pas être présentable, dans cette baraque, alors file !
Il s'en alla en grommelant dans les couloirs tortueux de la maison Wallin. Anna fit volte-face vers Timothée Morteterre, et s'excusa, en rougissant légèrement elle aussi :
- Excusez mon frère, il n'a pas vraiment le sens de la diplomatie...
- Il n'a pas changé, en gros, fit Freya, l'air légèrement dédaigneuse pour celui qui venait de quitter la salle. Comment va Haaken ?
La Suédoise haussa les épaules avec un soupir. "En pleine forme". La blonde eut un sourire furtif, qui disparut bien vite pour laisser place à son habituelle expression de "femme d'affaire affairée".
- Mais vous, comment vous portez-vous ? demanda Anna, les mains sur les hanches. Cela fait pas longtemps que nous n'avons pas eu de vos nouvelles, à tous les deux...
- De mon côté, il n'y a pas de problème, répondit Timothée qui, fatigué de tenir une conversation bilingue, opta pour utiliser le Français.
Sa subalterne le foudroya de ses grands yeux verts. Il soutint le regard d'Anna sans s'en préoccuper. Cette dernière se tourna vers Freya.
- Et toi, Freya, c'est OK ?
- Ça va, oui... Si seulement Monsieur Morteterre cessait de me faire des frayeurs, mes nerfs se porteraient mieux... soupira.
- Freya, la rappela-t-il à l'ordre. Pas de cela, je vous en prie.
Médusée, Anna s'exclama :
- Vous avez eu des problèmes, Timothée ?!
- Quelques défauts de santé, expliqua-t-il. Rien de bien grave.
Freya tenta de protester, mais Timothée Morteterre enchaîna :
- Ah, Freya, pourriez-vous me laisser avec Mademoiselle Wallin ? Vous pouvez aller retrouver Haaken, si vous le souhaitez...
Freya lui lança un regard qui signifiait clairement "Vous me prenez pour une poire ?"
- Bonne idée ! approuva Anna. Je pense qu'il sera ravi de te revoir.
- Великолепный... grommela la blonde. Je vous revois tout de suite.
Elle disparu dans les couloirs à son tour. Timothée Morteterre croisa les bras avec un soupir, accompagné d'un sourire, trop rare sur son visage.
- Je pensais qu'elle refuserait plus longtemps... dit-il. Elle est si têtue...
Surprenant le regard doux de l'homme, elle pencha légèrement la tête sur le côté et murmura :
- Elle "lui" ressemble, n'est-ce pas ? C'est son portrait craché, aussi bien mentalement que physiquement...
- Vous marquez un point, admit-il.
Son sourire s'effaça aussi rapidement qu'il était apparu, comme s'il n'avait jamais été là. Il planta ses yeux indigo dans ceux vert pomme de son interlocutrice, plus sérieux que jamais.
- Parlons vite, mais parlons bien, dit-il soudainement, après avoir enfoncé légèrement ses lunettes sur son nez. Je sais que ce n'est pas facile, mais pourriez-vous m'arranger un rendez-vous avec vôtre père ?
Le regard d'Anna devenait fuyant.
- C'est-à-dire que... Je ne sais pas s'il daignerait voir vôtre visage, sans vouloir vous vexer... C'est que...
- Il tient toujours mon père pour responsable de la mort de vôtre mère, n'est-ce pas ? l'interrompit-t-il. Je comprends parfaitement. Mais, pensez-vous qu'il serait susceptible d'accepter si le prétexte à cette entrevue était d'éviter pareil drame ?
- Je ne sais pas... hésita la Suédoise. Il est tellement renfermé et négatif... Son esprit en est devenu étriqué et sourd à toute proposition...
- Je sais que nous ne devrions pas rouvrir les vieilles blessures, insista Timothée Morteterre. Ce n'est pas mon but. Je le remercie déjà de ne pas avoir brisé l'alliance entre la Suède et les Archivistes, mais, malgré tout ce qu'il a fait pour notre compte, nous avons à nouveau besoin de son savoir, de son intelligence et de sa capacité d'analyse.
L'incompréhension et la confusion se peignaient sur le doux visage d'Anna Wallin. Elle balbutia un mot en suédois, puis se reprit :
- N'avez-vous pas de personne telle chez les Archivistes ? Père n'est pas le seul homme capable de...
Le silence tomba. Elle détourna la tête de l'homme. Ce sujet avait l'air de la mettre mal à l'aise. Et c'était bien normal. Mais que cherchait-elle à faire ? A protéger son père ?
Timothée Morteterre fixait toujours la Suédoise. Après une minute de vide, il releva sa manche de chemise, et désigna une trace qui parcourait son bras, et qui semblait continuer à courir vers sa poitrine. Une trace noire, semblable à une brûlure, dont les endroits les plus foncés viraient au vert. Ensuite, le plus sérieusement et le plus calmement possible, il déclara :
- Je m'excuse, mais je me me vois obligé de vous contredire. Je ne voudrais pas vous forcer la main, mais l'Angleterre - non, toute l'Europe -, est sur le point d'être décimée par un mal qu'il est le seul à pouvoir enrayer.
Je pense que vous l'avez compris. Vôtre père est la seule personne, actuellement, dans toute l'Europe, à pouvoir stopper le virus Johansson. Ce virus qui détruira le monde.



Freya trouva enfin la chambre d'Haaken. Une porte blanche, immaculée, la seule de toute la maison. "Toujours aussi peu conventionnel" songea-t-elle en touchant du bout des doigts le bois parfaitement scié.
Un air de musique s'échappait de la chambre. Elle le reconnut automatiquement : Bodies, de Robbie Williams. Sans prendre la peine de frapper, elle ouvrit silencieusement la porte.
Il était là, installé devant une immense baie vitrée qui donnait sur le jardin, dans un fauteuil pourpre. Lui tournant le dos. Elle en profita pour détailler l'immense pièce dans laquelle elle venait de pénétrer.
Les murs, blancs, presque entièrement tapissés d'immenses bibliothèques en bois pâle, étaient hauts de plus de trois mètres. Hormis les étagères remplies de livres classés par couleurs et par tailles, il n'y avait finalement que très peu de meubles dans la pièce. Un lit double à baldaquin, aux draps rouges, d'environ deux mètres de longueur sur trois mètres de largeur. Des motifs courbes étaient incrustés dans le bois pourpre, entre arabesques précises et lignes sinueuses. Une armoire (immense, elle aussi), sur laquelle était appuyé un vieux et long fusil, de bois sombre. Un secrétaire brun, où trônaient un livre ouvert, une mini-radio, des feuilles, blanches ou noires d'encre, des petits bibelots... Et, au milieu de tout cela, des livres. Des centaines de livres. Par terre, au fond du lit, sur la table de nuit, sur le bureau, en piles, solitaires, éparpillés, bourrés de marque-pages et de post-it...
La principale caractéristique de cette pièce était d'être croulante de livres. Des petits passages permettaient de se déplacer dans des directions bien précises, mais semblaient être peu utilisés. Freya ne put retenir un sourire. C'était tout lui, ça. Il était une des rares personnes qui pouvaient se vanter à juste titre d'avoir lu plus de livres en vingt-quatre années qu'un homme ordinaire dans toute une vie.
Il tourna une page de son livre, tellement captivé par sa lecture qu'il n'avait toujours par remarqué la présence de la jeune femme. Elle s'éclaircit la gorge, comme pou signaler que "Oui, tu n'es plus tout seul mon gars !"
Il retourna mollement sa tête, puis son visage s'éclaircit d'un sourire lorsqu'il vit Freya. Il appuya sur un bouton de la radio, et il s'éteint suite à cela.
- Ah, salut toi !
- "Toi" elle a un nom, Wallin, soupira-t-elle en croisant les bras.
- Mais oui Kitaëv, mais oui, l'ignora-t-il en se levant. T'es venue aussi ? T'accompagnes Tim dans tous ses déplacements maintenant ?
Freya plongea ses grands yeux vert pâle dans ceux plus vifs de son interlocuteur.
- Il en est de mon devoir, répliqua-t-elle. J'ai choisi de n'être que le numéro 2, tandis que toi, tu as préféré te libéraliser avec Eliza et Luigi. Nos devoirs ne sont pas comparables... Ainsi que nos droits, bien sûr.
- Tsss, toujours à faire de grandes phrases pour ne rien dire... s'amusa-t-il, plissant ses yeux en signe de défi. Ce n'est pas parce que j'ai pris un chemin moins glorieux que le tiens que tu peux te permettre de me regarder de haut... "Han, moi je suis aux ordres d'un chien de la Reine et toi t'es qu'un petit fonctionnaire de merde ! Peuh !", ah mais j'te jure...
Le regard de la jeune fille se fit acéré, en réponse à la provocation d'Haaken.
- Là n'est pas la question, rétorqua-t-elle. Pourquoi nous as-tu fait venir ici ? Tu aurais pu venir, comme d'habitude...
- Et pourquoi serait-ce toujours à moi de bouger mes jambes ? soupira-t-il en passant une main dans ses cheveux et en s'avançant entre deux murailles de livres. J'étais aux États-Unis jusqu'à peu. Le décalage horaire, ça fatigue, Kitaëv...
- La question initiale était "Pourquoi nous as-tu fait venir ici" ? Il serait préférable pour toi de me répondre, Wallin.
- Je ne parlerai qu'en présence de mon avocat, éluda-t-il avec un sourire enjôleur.
Elle se sentit rougir, mais reprit aussitôt son sérieux. Il ne fallait plus qu'elle se fasse avoir à nouveau par ses petites manipulations. Du moins, elle devait essayer...
- Tu ne m'auras pas de cette façon, sache-le, Haaken Wallin, cracha-t-elle en esquissant un léger sourire à son tour. Je ne suis pas le genre de fille qui craque au moindre de tes tours.
- Ah, tu crois ça ? lui murmura-t-il à l'oreille, enjôleur.
Elle sursauta avec un petit cri. Elle ne l'avait pas vu se rapprocher. Il était allé si vite... A quel point avait-il progressé en trois ans ? Par réflexe, elle recula à toute vitesse sans se demander ce qu'il y avait derrière elle, buta contre une pile de livres et tomba aux milieux de ouvrages en pagaille, avec un juron.
Haaken rit.
- TOI, LA FERME ! hurla-t-elle en tentant de se relever.
Aussitôt, elle sentit la main du jeune homme, à la fois ferme et douce, saisir la sienne et la relever habilement. Il la considéra de haut, d'un air plus que triomphant. Proche de la crise de nerfs, Freya grogna :
- Suffisant personnage... Tu ne t'es donc pas assez joué de moi ?
Elle tenta de libérer sa main de l'étreinte de celle d'Haaken, mais il tint bon, et, avec un mouvement souple, il l'attira contre son torse.
- Et alors ? susurra-t-il. Que vas-tu faire, maintenant ? Appeler Tim en renfort ? Me frapper ? M'attaquer ? Tu croyais que tu pouvais faire quoi que ce soit contre moi ?
Freya planta son regard furibond dans celui du jeune homme. "Il me provoque", songea-t-elle. "Lui et sa fichue maîtrise des sentiments... D'habitude, je ne serais pas énervée. Mais je ne peux pas garder mon calme, à cause de lui. Crétin d'Haaken."
Une onde de choc puissante s'échappa du corps de la jeune femme, écartant soudainement Haaken de quelques dizaines de centimètres.
Au même moment, deux voix, provenant du couloir :
- Raaah, j'en ai trop marre des missions à deux balles ! J'aurai dû passer mon diplôme, et trouver un boulot plus normal...
- Tu perds du temps pendant les études. Une fois, j'avais été convoquée au QG, mais j'avais une dissertation à rendre pour le lendemain à l'Université, et c'était tellement chaud que j'ai dû la faire pendant la réunion au QG, ma dissert...
- Ben tu vois justement, moi, je préfèrerai remplir des dissertations de vingt pages plutôt que de faire un boulot du genre Informateur... J'aurai aimé être journaliste, tiens ! Reporter pour le New York Times, ça doit être trop cool...
- Maintenant que tu le dis, ouais ! Mais j'aurai plutôt opté pour reporter dans un magasine trash... Ça, ça doit être fun !